CasaNegra - Allez le voir !
20 décembre 2008 Dubai - Le film "CasaNegra" du réalisateur marocain Noureddine Lakhmari, a remporté jeudi le prix de la meilleure image au festival international du film de Dubaï (DIFF), clôturé jeudi soir dans la capitale émiratie.
Quelques 181 films de 60 pays ont été projetés au cours de ce festival qui s'est déroulé à Dubai du 11 au 18 décembre.
Un film hyperréaliste qui repose sur un long travail
documentaire : Noureddine Lakhmari fait exploser de nombreux tabous : alcool,
drogue, homosexualité, prostitution, femmes battues, enfants des rues,
masturbation... « Je n'ai rien inventé. Mon film est un miroir de la
société marocaine. Je montre le Maroc tel qu'il est, non tel qu'on veut nous
faire croire qu'il est », « La violence et l'injustice sociale
sont universelles. Cessons d'être hypocrites et admettons qu'on les trouve
aussi chez nous ».
! Abdelillah Benkirane, secrétaire général du (PJD) parti islamiste
Justice et développement, qui avoue ne pas avoir vu le film a déclaré à la
télévision : « Il s'inscrit dans une série qui encourage la
débauche et le sionisme ».
Les conservateurs et
les religieux ont déploré « sa violence et sa grossièreté ».
Synopsis :
Une dramaturgie urbaine. Karim et
Adil, deux casablancais âgés de 20 ans, pauvres, paumés, exclus de la société
et de leur famille, vivent d’expédients et de petites combines.. Ils rêvent d’émigrer
vers Malmö en Suède, pour cela ils comptent « acheter » un visa
et un contrat de travail. Pour avoir l’argent nécessaire, ils dopent un cheval
de course pour le compte de bookmakers..
Casanegra* est interdit aux moins de 12 ans.
Autocensure :
Tout sauf Dieu (Allah).
CasaNegra ne fait pas tout dire à ses personnages. Si les expressions liées au
sexe et à la religion des hommes sont largement employées par les personnages
du film, tout ce qui se rapporte à Dieu a été purgé. Autocensure ? « Si vous voulez, mais je préfère
parler de rétention. Je n’ai pas voulu tout lâcher à la fois, Casanegra n’est
pas un film documentaire avec le catalogue exhaustif des expressions de rue,
c’est une fiction avec des partis pris, du dialogue jusqu’aux décors »
se défend Noureddine Lakhmari. Avant d’ajouter, lucide : « Vous savez, de mon point de vue personnel, et ceux qui ont vu
Casanegra le savent très bien, je suis resté pudique. Ce qu’on voit, ce qu’on
dit dans le film, ne représente même pas 10 % de la réalité de tous les
jours ».
Même élagués de toute référence à Dieu, tabou suprême s’il en est, même passés
par les filtres hyper-fins de l’autocensure, les dialogues crus du film ont
posé plus d’un problème. [..]
La peur des annonceurs …
L’air de rien, Casanegra est bien devenu, un peu malgré lui, film familial, un
produit que les pères et les fils peuvent voir et aimer, pourquoi pas ensemble.
Le constat, s’il est heureux, reste partiel, non généralisé. “Trop violent,
trop vulgaire”, commentent, en quittant la salle, les quelques spectateurs
déçus. Pour avoir une idée de l’expression de cette minorité mécontente, on
peut surfer sur le Net. Au hasard d’une navigation, on peut tomber sur un post
acerbe, ou carrément insultant, à l’égard du film. Noureddine Lakhmari confirme
: « Sur certains sites, j’ai pu
lire : Casanegra film sioniste, Lakhmari ramène de l’argent d’Oslo (ndlr : le
cinéaste a fait de la capitale norvégienne sa deuxième ville d’adoption, après
Casablanca) et travaille pour Israël ! ».
Etonnant. Mais pas tant que ça, finalement, quand on se rappelle que le vocable
« sioniste », qui draine toutes les rancœurs, a été apposé sur bien
des produits, films ou pas, qui n’ont pas eu l’heur de plaire à tout le monde.
[..]
Casanegra peut faire peur [..]
La peur a également gagné certains milieux officiels. Casanegra n’a pas été
retenu dans le dernier Festival de Marrakech, en novembre 2008, [..] Casanegra
aurait été retiré pour ne pas risquer… d’écorcher les oreilles princières, SAR
Moulay Rachid étant un habitué du Festival (qu’il préside). Un acte de
prudence, en somme.
De Marock à Casanegra. Un cinéma anti-verrou.
A 44 ans, et après
un premier film relativement anonyme (Le Regard, 2004), Noureddine Lakhmari
rejoint la cohorte des briseurs de tabous, une famille riche de quelques
figures intéressantes comme Narjiss Nejjar, qui a filmé un village de
prostituées dans (Les yeux secs 2003), Abdelkader Lagtaâ, qui a été le premier
à filmer l’amour entre une nymphette et un homme mûr (Un Amour à Casablanca,
1991), la frustration sexuelle d’un maître d’école (
Tous ces films ont été montés, financièrement, grâce au
précieux concours de l’Etat, via le Centre cinématographique marocain, qui
devient producteur de fait de (presque) l’ensemble de la cinématographie
marocaine. Les verrous qui sautent, finalement, c’est un peu l’Etat qui en est
responsable. Même s’il est en même temps en partie responsable des verrous “qui
ne sautent pas”, en refusant de financer d’autres sujets audacieux. On ne s’en
plaindra pas trop.
*Casanegra :
sur le titre du film :
Il faudrait être aveugle pour ne pas constater dans l’interview que Noureddine
Lakhmari qui parle de « métaphore »,
oppose le Casablanca ( maison blanche) à Casanegra (maison noire) L’un
propre l’autre ..?.. "Personne" n’a exigé que le titre du film soit changé !
Sources :
Voir : 2008 nov : interview de Nouredine Lakhmari clic haut de page sur l'onglet "videos-movies"
.
In : Arts visuels